Lean et Agile : on n’y comprend rien et on s’en méfie

Dec 19 / Alfred Almendra
Avec quelques décennies d’écart, les approches Agiles sont en train de connaître le même sort que les approches Lean : bien qu’ayant contribué au succès de certaines organisations, elles semblent décevoir de plus en plus, et elles semblent progresser de moins en moins, notamment à cause de leurs promesses illusoires non tenues et de leurs propres contradictions internes.

Dans cet article, je vous propose mon regard et mes retours terrain concernant notamment :
  • les principales promesses des approches agiles qui en font un sujet d’intérêt et de curiosité pour les organisations ;
  • les principaux retours négatifs quant à leur implémentation dans les contextes où les promesses espérées ne sont pas au rendez-vous ;
  • un diagnostic différent, au-delà des symptômes irritants, pour mettre en lumière les causes profondes de ces dysfonctionnements et pour proposer des leviers d’amélioration ;
  • quelques astuces légères et concrètes pour passer à l’action et pour prendre une meilleure direction.

Entre rêve et réalité

Des approches pleines de promesses

D’un côté, les approches agiles sont remplies de promesses et d’espoir :

  • pour les clients : des produits et services innovants, de meilleure qualité et à plus forte valeur ajoutée, dans un délai toujours plus court, procurant une expérience personnalisée mémorable à fort impact positif ;
  • pour les employés : de meilleures conditions de travail, avec plus de collaboration et d’entraide, du travail de meilleur qualité, des processus maîtrisés et sous contrôle, de la montée en compétences et de l’amélioration continue, avec plus d’engagement, plus de plaisir, plus de fierté et plus de reconnaissance ;

  • pour les entreprises : plus d’innovation, plus de différenciation, des prospects plus faciles à convertir, des clients satisfaits, des talents plus faciles à recruter, plus d’efficacité, plus de productivité, plus de flexibilité, plus d’adaptabilité, plus de réactivité, et encore plus de « plus de ».

Des retours négatifs

D’un autre côté, quelques recherches sur Internet suffisent pour collecter les retours négatifs et autres formes de procès. Voici quelques exemples typiques en guise d’illustration :

  • charabia : trop d’anglicisme et de vocabulaire spécifique, 1 mot étrange se définit par plusieurs autres mots tout aussi obscures ⇒ où sont les approches légères et simples tant promises ? bazar et anarchie : plus d’auto-organisation et d’auto-gestion, et moins de documentation ⇒ où sont les procédures ? qui fait quoi ? qui décide de quoi ? quels sont les rôles et responsabilités ? que devient le chef ? où est la visibilité sur les roadmaps et sur les plannings ?

  • dogmatisme : application d’une méthode à la lettre, avec une équipe dédiée à 100% et colocalisée ⇒ quid du contexte ? quid des équipes multi-projets et multi-produits ? quid des équipes distribuées sur plusieurs sites ? quid du travail à distance ? quid du travail partiel ? quid des équipes multiculturelles et multi timezones ?

  • sentiment d’exclusion : dès qu’une mise en œuvre n’est pas irréprochable, impression de communautés sectaires, rejet des chefs de projets et des managers, et exclusion des secteurs hors IT ⇒ qu’en est-il de l’ouverture, de l’inclusion, de l’entraide, de l’empathie, et de la démarche progressive d’amélioration continue, quelque soit le point de départ ?

Des expériences décevantes

Sans compter les retours d’expériences qui disent obtenir exactement le contraire des bénéfices espérés : faible valeur ajoutée, délai interminable, qualité médiocre, équipes désengagées, employés et managers réfractaires, travail en silo, etc. Cet Article du Monde parle même littéralement de « cruauté » et de « violence ».

Le Lean a déjà eu mauvaise presse, plusieurs fois même au cours du temps comme dans cet article de l'Usine Nouvelle. À une époque, les journaux parlaient de surmenage, de flicage, de stress, d'autoritarisme. Aujourd’hui, avec du recul, ils évoquent plutôt de mauvaises implémentations et les dérives associées.
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Poser le bon diagnostic

Déresponsabilisation

Ce qui m'interpelle, ce n’est pas tant la diversité, voire l’antagonisme parfois, des retours terrain, entre du très positif et du très négatif. Nous sommes imparfaits et maladroits, et les approches agiles, en tant que cadre d’amélioration, peuvent être vues comme une aide à notre apprentissage et à notre amélioration.

C’est plutôt  le fait qu’autant de personnes pointent du doigt une méthode, un outil, une approche, une technique, une astuce, et semblent rejeter la « faute » de nos agissements sur une « notion », un « concept ». Le responsable de nos maux serait une méthode ? La cause de nos erreurs et de nos échecs serait un outil ou une technique ?

Faut-il rappeler qu’un outil n’est qu’un moyen ? que la personne qui décide de l’utiliser (ou qui tente de l’imposer aux autres) reste responsable de ses actes ?

Si je me blesse avec une fourchette lors de mon déjeuner, est-ce la « faute » de la fourchette ?

Un moyen de révéler les dysfonctionnements

Il n’y a pas de bonne solution à un mauvais problème : lorsqu’une approche agile semble dysfonctionner, il ne s’agit pas de corriger cette approche ou son implémentation, mais plutôt de comprendre ce que cela révèle de notre organisation et de son potentiel d’amélioration.

En effet, les approches agiles ne sont pas à proprement parler des méthodes de travail : elles ne sont pas prescriptives en ce sens qu’elles ne disent pas « qui doit faire quoi quand et comment ? ».

Les approches agiles sont plutôt des cadres d’amélioration continue, c’est-à-dire des détecteurs de problèmes et des révélateurs de dysfonctionnements. Lorsqu’on essaye d’utiliser les approches agiles, elles font aussitôt émerger en retour des interrogations, des difficultés, des blocages, etc.

Si mon thermomètre révèle que j’ai de la fièvre, est-ce que je jète et condamne le thermomètre, ou est-ce que c’est le point de départ d’une investigation qui conduira à un diagnostic, à de la médication, et à une amélioration de ma santé ?

Par où commencer ?

Il ne s’agit pas de trouver un moyen d’implémenter l’agilité (dans la littérature : « faire de l’agile »), mais de progresser collectivement dans une démarche et une dynamique de plus en plus agile (dans la littérature : « être agile »).

Les approches agiles ne sont pas prescriptives, les boîtes à outils agiles sont infinies, et chaque retour d’expérience conclut à des conseils différents et/ou trop abstraits.

Il est donc légitime que les organisations soient déboussolées, qu’elles ne sachent pas par où commencer, et qu’elles aient du mal à savoir si elles s’y prennent correctement.

Les formations et les accompagnements d’experts peuvent aider, mais ne changent pas fondamentalement le fait que les approches agiles vont surtout révéler des dysfonctionnements (ou des opportunités d’amélioration pour le formuler positivement), et ne vont pas en soi apporter directement une solution toute prête sur étagère.

Pire : si quelqu’un d’autre répond à notre question « par où commencer ? », cette personne est déjà (sans s’en rendre compte) en train de nous remplacer (ou nous brider) dans la démarche d'émancipation que sont les approches agiles.

Des démarches d’émancipation

D’un point de vue managérial, les approches agiles, comme les approches Lean, ont pour objectif d’émanciper les équipes de manière empirique. C’est-à-dire, faire en sorte que les équipes soient de plus en plus autonomes collectivement pour régulièrement :

  • identifier un bon problème à résoudre (i.e. un écart entre un idéal visé espéré et la réalité actuelle),
  • proposer une variété d’hypothèses et d’idées,
  • générer des apprentissages issus d’expérimentations concrètes et rapides,
  • et devenir meilleur, progressivement, pas à pas.


Rome ne s’est pas faite en un jour. Un enfant ne devient pas mature et autonome en soufflant ses bougies. Une organisation n’est pas agile du jour au lendemain : elle peut le devenir chaque jour un peu plus

Donner les moyens d’essayer et d’améliorer par soi-même

Lorsqu’une organisation s’intéresse aux approches agiles (coucou les transformations agiles !), ce qui compte ce n’est pas tant de leur dire « comment faire », même si elles posent la question. Ni même de les « aider à faire », même si elles en font la demande.

Il me semble que le plus important c’est de leur fournir les moyens nécessaires et suffisants pour qu’elles puissent à la fois essayer et améliorer par elles-mêmes, de manière adaptée à leur contexte spécifique.

Chaque contexte étant différent, je me garderais bien de généraliser.

Et mes expériences, bien que variées, n’en restent pas moins limitées et soumises à mes biais de jugement.

À défaut de formuler une promesse intenable concernant une potion magique, je vous partage des clés de lecture et des astuces qui fonctionnent plutôt bien sur le terrain, et qui aident les organisations à progresser dans leur dynamique collective d’expérimentation et d’amélioration continue.

Un outil au service d’une ambition

Il n’y a pas de bon chemin pour se rendre à une mauvaise destination : les approches agiles ne sont qu’un moyen, pas le but. Même si dans des contextes extrêmement volatiles et exploratoires, ces approches constituent en elles-mêmes une stratégie de découverte et de progression rapides.

Les approches agiles ne sont pas une baguette magique qui sert à tout et n’importe quoi. Si la façon de les utiliser compte énormément, l’intention et le but justifiant leur utilisation comptent encore plus : « dans quel but ? quels sont les bénéfices visés et espérés ? »

Sur le terrain, les approches agiles sont particulièrement utiles et efficaces dans des contextes d’exploration, lorsqu’on souhaite augmenter le niveau d’adaptabilité face à l’inconnu et face à l’incertitude, que ce soit du côté marché, sur le produit / service, ou sur les processus et les façons de travailler.

La première question à se poser collectivement est celle de l’ambition (on parle aussi de vision pour les transformations agiles) et des critères de succès. Les approches agiles nous invitent à être utopique : s’autoriser à rêver plus grand que nos capacités à faire, et s’ouvrir à des pistes non explorées ou qui paraissent impossibles.

L’astuce la plus courante et la plus simple pour mettre des mots précis sur la notion de rêve utopique consiste à se projeter dans un futur imaginaire où on aurait comblé ses clients, au-delà de leur simple satisfaction, en s’affranchissant de toute limite, toute contrainte, toute difficulté, tout pré-requis, et autres moyens nécessaires.

Voici une question pouvant ouvrir l’exploration : « Dans un monde utopique, sans limite, quels seraient les plus grands rêves inatteignables de nos clients ? ».

On peut ensuite se poser la question des critères de succès (aspects qualitatifs) et des indicateurs (aspects quantitatifs), ce qui permet d’identifier des paliers intermédiaires, et enfin d’identifier une première marche à gravir : à la fois suffisamment ambitieuse et en même potentiellement réalisable, qui paraît presque à notre portée.

Les 2 piliers non négociables : l’humain et la qualité

Si une organisation souhaite développer et soutenir une performance durable dans une démarche agile, il existe 2 piliers non négociables : l’humain et la qualité.

Il ne s’agit pas uniquement de réagir vite lorsqu’un problème apparaît sur ces 2 piliers : c’est aussi et surtout développer en continu ces 2 piliers, même lorsque tout semble déjà suffisant et sans problème. Il s’agit d’un investissement régulier et permanent.

Le meilleur moyen d’entretenir durablement un logement c’est de l’entretenir un peu chaque jour, et pas uniquement lorsqu’un problème survient.

Concernant le pilier de l’humain, il s’agit par exemple de :
  • nourrir et développer les leviers de motivation : le sens, la maîtrise des compétences, l’autonomie, la curiosité, etc ;
  • créer et développer la qualité des liens et des interactions entre les personnes ;
  • favoriser et soutenir l’entraide, l’intelligence collective, et la collaboration transverse.

Concernant le pilier de la qualité, il s’agit notamment de :
  • maîtriser de plus en plus les pratiques de qualité spécifiques au métier exercé (on parle ici de pratiques et non de procédures, cf. ci-après) ;
  • améliorer en continu les façons de travailler et les manières de collaborer de manière à éviter les gaspillages et à réduire les délais.

En guise d’illustration, voici quelques exemples de gaspillages particulièrement présents dans les métiers de conception et de service : les allers / retours, les incompréhensions, les non-dits, les mots ambigus, les incohérences, les incompatibilités, les effets de bords, etc.

Les approches Lean ont déjà très documenté et outillé les gaspillages. On parle aussi de non-valeur ajoutée, sans aucun sens péjoratif : il ne s’agit que d’une classification qui aide les équipes à les identifier, à les réduire, et à les éliminer lorsqu’elles ne contribuent plus à délivrer la valeur ajoutée.

Point de vigilance : ne pas confondre « pratiques de qualité » et « procédures qualité » :
  • les premières ont plutôt tendance à émerger du terrain et à s’utiliser de manière locale et contextualisée,
  • les secondes ont plutôt tendance à s’imposer au terrain de manière systématique et globale.

Attention
: dans leur compréhension initiale des approches agiles, les entreprises font parfois une inversion des causes et conséquences concernant les 2 piliers de l’agilité.

Voici l’interprétation la plus courante que j’observe dans les entreprises qui ne sont pas encore familières avec l’agilité ou qui rencontrent plus de dysfonctionnements que de bénéfices :
Interprétation ou idée reçue n°1 : grâce à la mise en place des approches agiles, les produits et les processus seront mécaniquement de meilleure qualité ;
  • Interprétation ou idée reçue n°2 : pour que l’agilité fonctionne, il faut au préalable sélectionner des personnes motivées, engagées et moteur (ou motiver les troupes existantes).

De mon point de vue, c’est exactement l’inverse ! Et c’est ce que j’observe sur le terrain, dans les contextes où l’agilité porte ses fruits de manière durable :
  • Il est important et urgent de faire monter les équipes en compétences au plus tôt sur les pratiques de qualité de manière à implémenter et à développer les approches agiles dans le contexte spécifique d’une organisation : « il n’y a pas d’agilité sans qualité ».
  • Lorsqu’une première expérimentation agile est menée, après les éventuels premiers écueils de mise en place, les équipes vont découvrir et adopter de plus en plus une dynamique collective d’amélioration continue et de production de valeur ajoutée itérative et incrémentale, et cela va contribuer à leur plaisir au travail et à leur motivation : « la motivation n’est pas un pré-requis au succès, c’est le succès, ou au moins l’amélioration continue et la reconnaissance qui nourrissent la motivation » (entre autres leviers).

Bien entendu, pour effectuer cette première expérimentation, on peut identifier des personnes suffisamment indignées par la situation actuelle et/ou suffisamment volontaires pour essayer une approche différente.

Les personnes indignées sont faciles à identifier : on peut les entendre dire par exemple “plus jamais ça”, “ce n’est plus possible”, “ça ne peut pas être pire”, “on doit pouvoir faire mieux”.

Pour identifier les personnes “vraiment” volontaires, il faut bien distinguer la parole et les actes. Se déclarer volontaire n’est pas forcément équivalent à passer à l’action. Et c’est légitime : dans un contexte exploratoire, on sait ce qu’on risque de perdre, et on ne sait pas encore ce qu’on pourrait gagner.

D’après mes observations terrain, il est beaucoup plus efficace et pragmatique de passer à l’action plus rapidement avec moins d’indignés volontaires que d’attendre de regrouper plus de monde.
Car, en effet, si on cherche à mobiliser trop de monde trop tôt, on augmente fortement le double risque suivant :
  • une plus grande inertie dans la démarche d’expérimentation, voire même une paralysie bloquante ;
  • une plus forte déception face aux premiers résultats, notamment si les premières découvertes sont déconcertantes et trop éloignées des espoirs imaginés.

Un délai respecté dans 100% des cas

Sans que ce soit suffisant, la première règle cruciale pour nourrir et cultiver la confiance des parties prenantes externes et internes c’est de respecter les délais : dès qu’un délai n’est pas respecté, la confiance commence à s’effriter, et plus cela se reproduit, plus il devient difficile de la reconquérir.

On me demande souvent comment les approches agiles proposent de gérer et de respecter les délais dans des contextes spécifiques, pointus, complexes, et contraints par des normes techniques ou règlementaires.
La réponse est simple, mais pas facile à mettre en œuvre : dans les approches agiles, le délai n’est pas une donnée de sortie qu’on essaye de contrôler plus ou moins, mais une donnée qu’on fixe en entrée.

Dès lors, la question n’est plus : « combien de temps, d’argent et de moyens nous faut-il pour faire quelque chose ? ». La question devient : « quelle est la meilleure valeur que l’on peut découvrir et délivrer dans un délai contraint, avec les moyens déjà disponibles ? »
Il ne s’agit plus de gérer le délai pour délivrer une quantité de réalisations fixée au départ, mais de découper la valeur en fines tranches pour les délivrer au fur et à mesure dans la limite du délai contraint.
Et pour découper finement la valeur ajoutée, l’astuce la plus efficace des approches agiles consiste à parler du client, de ses usages, et de ses bénéfices, plutôt que de parler du produit et de la technique.

Par exemple, au lieu de dire : « le vélo comporte une assistance électrique ». On peut dire par exemple : « la personne arrive au travail sans transpirer », ou « la personne peut monter une côte sans transpirer », ou encore « la personne peut porter ses courses et ses enfants sans effort », etc.

Une équipe agile peut très bien, de manière très sereine et confiante, dès le premier jour du projet, alors qu’elle ne connaît pas encore totalement le sujet, annoncer à ses parties prenantes qu’elle :
  • respectera le délai global du projet (ex : plusieurs mois ou années)
  • leur délivrera de la valeur ajoutée de manière fréquente (ex : toutes les X semaines)

C’est probablement la question la plus contre-intuitive et la plus difficile lorsqu’on implémente l’agilité pour la première fois dans un contexte spécifique.

Et c’est d’ailleurs pour cela que les équipes agiles mettent immédiatement au centre de leur démarche la notion de valeur, et donc celle des clients, des utilisateurs, et de leurs usages.

Un délai toujours plus court

Dans une dynamique d’amélioration continue des processus et des manières de travailler, l’un des défis les plus difficiles et rentables à la fois des approches agiles (largement inspiré des approches Lean), c’est la réduction continue des délais.

Voici l’une des questions puissantes que les équipes agiles peuvent se poser régulièrement afin d’améliorer en continu leur processus et leur manière de travailler : « Comment pourrions-nous produire la même valeur ajoutée, dans un délai 2 fois plus court, tout en respectant l’humain et la qualité ? ».

C’est simple, facile à dire, mais pas facile à faire. Et même si on ne trouve pas de réponse adéquate, rien que le fait de se poser la question et de mener des expérimentations peut déjà aider les équipes à améliorer leur flux de travail tout en libérant du temps aux opérateurs.

Car, en effet, libérer du temps disponible pour les ressources fait partie des effets de bord positifs de l’amélioration continue.

L’une des promesses de l’agilité c’est l’accélération. Mais cela ne veut pas dire mettre sous pression les équipes en leur demandant de faire plus de travail plus vite. En agilité, l’accélération vient des délais courts (faut-il le rappeler : tout en respectant l’humain et la qualité). On parle aussi de cycles courts, de boucles de feedback, de boucles d’apprentissage et de boucles d’amélioration.

Voici quelques pistes pouvant aider à accélérer un processus dans les domaines de conception et de services :
  • (semi-)automatiser des tâches manuelles ;
  • visualiser les sujets complexes sous forme de schémas et d’infographie ;
  • s’appuyer sur des checklists concises en guise de pense-bête ; 
  • utiliser des templates pour faciliter la création de documents ;
  • mettre en œuvre des moments de coopération (ex : travail en binôme) de manière régulière dès le début et pendant la réalisation du travail ;
  • planifier des moments courts et fréquents de synchronisation, de partage et de collaboration entre les différents contributeurs de l’ensemble de la chaîne de valeur (dans les approches agiles, parle souvent de rituels ou de cérémonies).

Créativité, force de proposition, et rentabilité

La boîte à outils des approches Lean et Agiles est immense, voire infinie, notamment si on intègre ce que chaque entreprise façonne et améliore en continu de manière spécifique à son propre contexte. Je vous propose donc de terminer cette courte liste d’astuces pour mieux comprendre et mieux mettre en œuvre ces approches par un aspect qui facilite et catalyse l’émergence d’une dynamique collective de réalisation et d’amélioration : la créativité.

En particulier, les 2 premiers endroits où les approches agiles sollicitent la créativité de l’équipe sont :
  • définir la vision ou l’ambition, comme vu plus haut (le « pourquoi ») ;
  • et identifier des options alternatives à valeur ajoutée pour délivrer tout ou partie de la valeur ajoutée (les multiples « comment ») ⇒ on parle de boîte à options, de boîte à idées, ou de « backlog produit » pour les puristes.
Le fait de générer des options alternatives à valeur ajoutée provoque immédiatement 2 conséquences positives, entre autres :

du point de vue managérial
, cela s’inscrit dans la démarche d’émancipation évoquée plus haut, car en mobilisant la créativité des équipes :
  • on les sort immédiatement d’une posture d’exécutants ;
  • on entame avec elles une démarche de co-construction ;
  • et les résultats qui suivront participeront à nourrir leur fierté et leur reconnaissance.


du point de vue de la gestion de projet
, et notamment en termes de priorisation et de planification, cela permet :
  • d’identifier des options plus rentables ;
  • d’identifier des chemins permettant d’augmenter le niveau d’engagement, toujours dans la limite du délai et du budget fixés et contraints ;
  • de rendre possible un pilotage dynamique et adaptatif du projet.


Précisons que dans les démarches agiles, la notion de rentabilité correspond au ratio valeur ÷ effort, et que la notion de valeur n’englobe pas uniquement des aspects financiers. Par conséquent, la notion de rentabilité correspond à ce que l’équipe peut réaliser de mieux, tous axes de valeur confondus, dans un moindre effort.

L’outil de prédilection de la gestion de projet agile utilisant les options alternatives à valeur ajoutée pour mieux prioriser et planifier un projet est la matrice valeur ÷ effort.

Récapitulatif

Dans cet article, je vous ai partagé les principales raisons qui expliquent, de mon point de vue, pourquoi les approches Agiles aujourd'hui, comme les approches Lean à une autre époque, ont tant de mal à se populariser et à se répandre dans toutes les entreprises de tous les secteurs.

Entre rêve et réalité, j’ai notamment évoqué :
  • d’un côté, des approches pleines de promesses à la fois pour les clients, pour les employés, et pour les entreprises ;
  • d’un autre côté, des retours négatifs concernant notamment le charabia, le bazar, l’anarchie, le dogmatisme, le sentiment d’exclusion ;
  • et sans compter des expériences décevantes qui vont jusqu’à parler de cruauté et de violence.


J’ai ensuite proposé un autre diagnostic :
  • les approches Lean et Agiles sont des cadres d’amélioration qui visent à émanciper les équipes afin qu’elles soient de plus en plus autonomes à la fois pour faire le travail et aussi (et surtout) pour améliorer en continu leur façon de travailler ;
  • il n’est pas étonnant que ces cadres d’amélioration provoquent immédiatement la mise en lumière de dysfonctionnements (i.e. d’opportunités d’amélioration) : c’est même leur principe même de fonctionnement !
  • ce ne sont pas ces approches et ces méthodes qui sont la « cause » de ces dysfonctionnements : leur intérêt principal est de provoquer au plus tôt la découverte de ces dysfonctionnements ;
  • attention à ne pas se déresponsabiliser en rejetant la faute sur telle ou telle méthode ou approche.


Et enfin, je vous ai partagé quelques astuces qui permettent à la fois de mieux comprendre et de mieux implémenter ces approches :
  • donner aux équipes les moyens d’essayer et d’améliorer par elles-mêmes ;
  • définir une vision ou une ambition en s’autorisant à rêver plus grand : un rêve utopique ;
  • protéger et développer en continu les piliers non négociables que sont l’humain et la qualité ;
  • fixer le délai global et le découper en une suite de délais courts (i.e. des cycles courts) ;
  • placer le client au centre de la démarche des équipes afin de faire émerger la valeur ajoutée ;
  • susciter la créativité et la force de proposition des équipes afin d’augmenter les options alternatives la rentabilité de leurs initiatives.


Et vous, de votre côté, que pensez-vous de ces observations, de ce diagnostic, et de ces astuces ? Partagez-vous ces constats ? Avez-vous d’autres retours et d’autres idées à partager ?
Vous avez apprécié cet article ? Faites-le savoir ! 

À propos de l'auteur

Alfred Almendra
Fondateur de http://expert-methode-agile.fr
Formateur en Lean Service Agile