La maison de la qualité

Jun 14 / Sébastien Lo Presti
La matrice qualité permet d'évaluer l'alignement des caractéristiques des services ou produits proposés par une entreprise avec les attentes des clients vis-à-vis de ceux-ci, le tout, au regard du ou des principaux concurrents.

La maison de la qualité peut être utilisée pour analyser les performances d'un produit ou d'un service existant, ou dans le cadre de la mise en place d'un nouveau produit ou service.

Focus sur cet outil fondamental.

Maison de la qualité, origines, objectifs et principes généraux

Le processus QFD (pour Quality Function Deployment) a été développé au Japon par Mitsubishi dans les années 70 pour intégrer très tôt la qualité du produit dans le processus de développement. La matrice qualité (aussi appelée maison de la qualité) en est directement issue.

C'est un outil permettant de représenter visuellement les attentes des clients (on parle aussi de qualité attendue) leur niveau de satisfaction au regard des attentes (on parle aussi de qualité perçue) les indicateurs clés (on parle aussi de qualité réalisée ou de qualité servie) et le positionnement par rapport à la concurrence.

La matrice de la qualité constitue ainsi un outil de déploiement de la Voix du Client au sein de l’entreprise. Elle va notamment s’avérer utile en phase de conception de produit, ou de solutions techniques pour s’assurer de la compatibilité des orientations prises avec les attentes des clients auxquels elles sont destinées. Elle peut également servir à évaluer la qualité perçue d’un service ou d’un produit existant.
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Étapes de construction d'une matrice de la qualité

9 étapes sont nécessaires à l'élaboration d'une matrice de la qualité (nous nous placerons ici dans une situation dans laquelle le service est à concevoir) :

  1. Identifier les besoins des clients et les pondérer (le QUOI) ;
  2. Analyser la concurrence du point de vue des clients ;
  3. Définir les caractéristiques techniques cibles du produit ou service à offrir (le COMMENT) ;
  4. Définir les principes d'optimisation ;
  5. Établir la relation entre les caractéristiques et les besoins des clients (le COMMENT par rapport au QUOI) ;
  6. Déterminer les relations entre les caractéristiques (le COMMENT par rapport au COMMENT) ;
  7. Déterminer l’importance de chacune des caractéristiques ;
  8. Analyser la concurrence du point de vue des caractéristiques techniques cibles du produit ou service ;
  9. Définir les valeurs cibles associées à chacune des caractéristiques.


Nous allons détailler chacune de ces étapes en nous appuyant sur un exemple concret. Nous imaginerons pour ce faire que la matrice est utilisée dans le cadre d'un projet visant à améliorer l'accessibilité téléphonique d'un groupe d'agences bancaires.
1. Identifier les besoins des clients et les pondérer (le QUOI)

À ce stade, il s'agira notamment :

D'établir les catégories de clients.
De recueillir les besoins. La matrice qualité va pour ce faire s’appuyer sur toutes les sources permettant de collecter la Voix du Client. Il peut notamment s'agir :



De structurer les besoins
, notamment via un diagramme des attentes.
Enfin, de prioriser ces besoins (via une échelle allant généralement de de 1 à 10 ou de 1 à 5).

 Dans notre exemple, trois attentes clients ont pu être identifiées :

  • Avoir rapidement un interlocuteur, elle présente le niveau de priorité le plus élevé, ici 5 ;
  • En cas de message connaitre le délai de rappel, elle présente un niveau de priorité élevé, ici 4 ;
  • Bénéficier d’une amplitude horaire large, elle présente le niveau de priorité le plus élevé, ici, 5.
2. Analyser la concurrence du point de vue des clients
Il s'agira à ce stade d'identifier comment l'entreprise se situe, du point de vue des clients, vis-à-vis de son principal concurrent (ou du leader du marché) et au regard des besoins exprimés.

Le score est généralement attribué sur une échelle allant de 1 à 5 :

  • Les scores 1 et 2 traduisent un niveau de performance moindre vis-à-vis des concurrents ;
  • Un score de 3 traduit un niveau de performance perçue équivalent au(x) concurrent(s) benchmarkés ;
  • Un score supérieur à 3 traduit un niveau de performance perçue supérieur à celui du ou des concurrents considérés.


 Dans notre exemple :

  • Le niveau de performance du premier besoin clients (avoir rapidement un interlocuteur) est perçu par les clients comme inférieur à celui du ou des concurrents ;
  • Le niveau de performance du second besoin client (connaitre le délai de rappel) est également perçu par les clients comme inférieur à celui du ou des concurrents ;
  • Tandis que le niveau de performance du troisième besoin client (bénéficier d'une large amplitude horaire)  est perçu par les clients comme équivalent à celui du ou des concurrents.
3. Définir les caractéristiques techniques cibles du produit ou service à offrir (le COMMENT)

Il va s'agir à ce stade d'identifier les améliorations susceptibles de répondre aux attentes exprimées par les clients. L'identification de ces améliorations pourra se faire via la mobilisation de techniques d'intelligence collective (brainstorming, brainwriting, etc.)

 Dans notre exemple, 4 possibilités d'amélioration ont été identifiées :

  • Prise en charge de l'appel par un plateau téléphonique (CRC) en l'absence de réponse du conseiller ;
  • Mise en place d'un engagement de décroché rapide ;
  • Mise en place d'un dispositif permettant de rappeler tous les clients ;
  • Élargissement des horaires d'ouverture des agences ;
4. Définir les principes d'optimisation

À ce stade, il va s'agir de déterminer dans quelle mesure l'état actuel de la caractéristique doit être ajusté à l'état ciblé précédemment identifié. Pour matérialiser l'effort à engager un code pourra être utilisé :

  • Flèche vers le haut : la caractéristique cible va devoir être améliorée pour être optimisée ;
  • Flèche vers le bas : la caractéristique cible doit être réduite pour être optimisée ;
  • Cercle : une valeur cible doit être atteinte.


 Dans notre exemple :

  • La première caractéristique va impliquer une amélioration au regard des dispositions pré-existantes (on peut imaginer qu'il n'existe pas de plateau téléphonique permettant d'apporter un appui aux agences) ;
  • La seconde, la troisième, et la quatrième caractéristiques vont être soumises à une valeur cible de référence. La valeur associée à chacune des caractéristiques sera identifiée à l'étape 9.
5. Établir la relation entre les caractéristiques et les besoins des clients (le COMMENT par rapport au QUOI)
Il va s'agir à ce stade de compléter le cœur de la matrice en établissant des liens de corrélation entre les exigences clients et les attentes ciblées.

On utilise généralement pour ce faire une échelle logarithmique (0, 1, 5, et 9) :

  • 0, correspondant à une absence totale de lien ;
  • 1, correspondant à un lien faible ;
  • 5, correspondant à un lien moyen ;
  • 9, correspondant à un lien fort ;


 Dans notre exemple :

  • Le lien entre la première exigence clients (avoir rapidement un interlocuteur) et la première caractéristique cible (appel pris en charge par un CRC en appui des agences) est fort, il est noté 9.
  • Il n'y a pas de lien entre la seconde attente clients (avoir connaissance du délai de rappel) et la première caractéristique cible ;
  • Le lien entre la troisième exigence clients (bénéficier d'une amplitude horaire large) et la première caractéristique cible est moyen, il est noté 5.
6. Déterminer les relations entre les caractéristiques (le COMMENT par rapport au COMMENT)
Il va s'agir ensuite de se focaliser sur le toit de la matrice qualité (c'est la raison pour laquelle on parle aussi de maison de la qualité). Les liens d'interdépendance des différentes caractéristiques cibles du service vont devoir être représentés.

Pour chaque relation entre caractéristiques, il s'agira d'identifier :

  • S'il existe une corrélation positive forte entre les caractéristiques (++) ;
  • S'il existe une corrélation positive entre les caractéristiques (+) ;
  • S'il existe une corrélation négative entre les caractéristiques (-) ;
  • S'il existe une corrélation négative forte entre les caractéristiques (--).


  Dans notre exemple :

Il existe une corrélation fortement positive entre la première caractéristique et la seconde ;
Il existe une corrélation positive entre la première caractéristique et la troisième ;
Il n'existe pas de corrélation entre la première caractéristique et la quatrième.
7. Déterminer l’importance de chacune des caractéristiques

Il va s'agira à ce stade d'évaluer le niveau d'importance de chacune des caractéristiques. Pour ce faire les valeurs établies pour chaque caractéristique à l'étape 5 vont être multipliées par la note pondérée associée à chacun des besoins exprimés.

 Dans notre exemple :

  • S'agissant de la première caractéristique, on obtient une note d'importance de  70 (9 x 5) + (5 x 5) ;
  • S'agissant de la seconde caractéristique, on obtient une note d'importance de 70 (9 x 5) + (5 x 5) ;
  • S'agissant de la troisième caractéristique, on obtient une note d'importance de 86 (9 x 5) + (9 x 4) + (1 x 5) ;
  • S'agissant de la quatrième caractéristique, on obtient une note d'importance de 50 (5 x 5) + (5 x 5).


La caractéristique 3, liée à toutes les exigences clients, présente donc le niveau d'importance le plus élevé.
8. Analyser la concurrence du point de vue des caractéristiques techniques cibles du produit ou service

Il va s'agir à ce stade d'établir de nouveau un benchmark vis-à-vis du ou des principaux concurrents, mais cette fois-ci, non au regard de la qualité perçue du service, mais de la propension des caractéristiques cibles du service à satisfaire d'un point de vue technique les exigences des clients.

L'analyse va donner lieu à l'attribution d'une note allant de 1 à 5 et attachée à la même signification qu'à l'étape 2 (1 et 2 : niveaux de performance inférieurs au(x) concurrent(s), 3 : niveau de performance équivalent, supérieur à 3 : niveau de performance supérieur)

 Dans notre exemple :

  • La propension du concurrent à satisfaire techniquement la première caractéristique est jugée supérieure à celle de notre entreprise (score obtenu : 1) ;
  • La propension du concurrent à satisfaire techniquement la seconde caractéristique est jugée identique à celle de notre entreprise (score obtenu : 3) ;
  • La propension du concurrent à satisfaire techniquement la troisième caractéristique est jugée identique à celle de notre entreprise (score obtenu : 3) ;
  • La propension du concurrent à satisfaire techniquement la quatrième caractéristique est jugée inférieure à celle de notre entreprise (score obtenu : 2).


En somme, notre entreprise n'est jamais en situation compétitive favorable vis-à-vis des quatre caractéristiques identifiées.
9. Définir les valeurs cibles associées à chacune des caractéristiques

Il va s'agir à ce stade d'associer une valeur cible à chacune des caractéristiques identifiées.

 Dans notre exemple :

  • L'objectif cible associé à la première caractéristique cible sera de transférer sur un CRC tous les appels non décrochés d'une durée supérieure à 30 secondes ;
  • L'objectif cible associé à la seconde caractéristique cible sera de décrocher en moins de 3 sonneries. On peut imaginer la formalisation d'un engagement de service communiqué aux clients sur ce point ;
  • L'objectif cible associé à la troisième caractéristique cible sera de rappeler tous les clients en moins de 8 heures ouvrées. La formalisation d'un engagement de service communiqué aux clients pourra ici aussi être envisagée ;
  • L'objectif cible associé à la quatrième caractéristique cible sera de fermer les agences une heure plus tard sur tous les jours d'ouverture.

Matrice de la qualité, intérêts et réserves

Cet outil visuel présente l’avantage d’être très complet et de mettre en regard la perception des clients et les éléments de mesure internes qui y sont associés (s'agissant d'une analyse basée sur un produit ou service existant). Elle encourage en outre le travail d’équipe car sa constitution repose sur de nombreux échanges entre des protagonistes internes divers.

Il peut s’avérer à cet égard particulièrement précieux pour animer la politique qualité, lui donner du sens, faire partager à l’ensemble des collaborateurs la situation objective de l’entreprise vis-à-vis de la façon dont elle est perçue par ses clients. Il peut donc constituer un levier de motivation interne pour les équipes.

Il est important de noter que les éléments servant à la constitution de la matrice proviennent directement de la VOC (Voice Of Customer, ou Voix du Client) et non des convictions internes des managers ou de la direction.

Nous voyons aussi quelques réserves à l’utilisation de cette matrice :

  • D'abord, il est difficile de faire exprimer les attentes clients, et encore plus de les traduire en CTQ (Critical To Quality). Il s'agit d'éviter à tout prix l'écueil consistant à pervertir les propos des clients pour les faire coïncider avec les orientations prises, pratiques souvent constatées dans les faits ;
  • Par ailleurs, la construction de la matrice qualité repose sur la réalisation d'un benchmark concurrentiel qu'il n'est pas toujours aisé d'établir, car il requiert expertise et ressources.

Maison de la qualité et projet DMAIC

Dans le cadre d'un projet Lean Six Sigma DMAIC, la matrice qualité peut être mobilisée en début de phase I (Pour Improve, ou Améliorer), en vue de sélectionner les idées les plus pertinentes au regard des attentes clients.
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À propos de l'auteur

Sébastien Lo Presti
Passionné par les sciences sociales, la gestion de projet et le management de la qualité.

Animé par la volonté de partager et de transmettre des connaissances.

Je suis par ailleurs cofondateur de Lean en ligne, organisme de formation spécialisé en Excellence Opérationnelle.